mercredi 11 mai 2011

La notion de "Neutralité"

Depuis quelques années, on a beaucoup utilisé le concept de "neutralité" dans les discours politiques ou médiatiques, principalement dans les questions traitant de la laïcité et, surtout, en parlant du cours ECR (Ethique et Culture Religieuse).

Aujourd'hui, c'est en tombant sur cet article du journal Le Devoir que m'est venu l'idée d'entamer une réflexion à ce sujet.

Une des raisons pour laquelle je considère ce concept très important, est qu'il est d'une certaine manière au centre du débat entourant ce cours, puisqu'un des arguments centraux en faveur de son imposition était justement la prétention qu'il était neutre, donc qu'il n'était contraire à aucune croyance religieuse.


Je ne reprendrai pas aujourd'hui les différentes argumentation pour et contre le cours d'ECR, mais je vais me limiter à examiner ce fameux concept de "neutralité".

Il faut dire qu'en plus d'avoir été beaucoup utilisé dans le contexte que je viens de dire, on le voit également utilisé souvent dans le cadre de discours de type philosophique.

Se dire "neutre" semble souvent vouloir affirmer qu'on a pas d'a priori, de parti pris, qu'on est pas influencé et, donc, qu'on serait "ouvert"; par opposition à obtus, fermé, intransigeant, borné ou d'autres types de qualificatifs du même genre.

A notre époque, celui qui prend position sur des question philosophiques ayant des implications sociales importantes ou sur des question religieuses est considéré avec méfiance lorsqu'il s'agit d'occuper une position qui demande le respect envers deux partis d'idées opposées.

A titre d'exemple, imaginez le genre de critique qu'on ferait à un journaliste qui aurait préalablement affirmé être sympathisant de tel parti politique, alors qu'il serait appelé à tenir une entrevue avec le chef d'un partie opposé.
Non, un journaliste dira toujours qu'il est "neutre"

Ou bien, lorsque des élus on professé publiquement leur appartenance religieuse, on peut se souvenir des reproches qui leur ont été adressés. Ils manquait, dans une société qui se veut laïc, à leur devoir de "neutralité".

Dans un souci d'être aussi concis que possible, je dirai qu'il faut à mon avis distinguer deux utilisations de ce concept : pratique et spéculative.

Je m'explique.

Par utilisation pratique, j'entend l'attitude des personnes, comme les journalistes, les personnalités politiques, ou encore les juges ou autres, appelés à exercer leur devoir de la manière la plus juste, afin que personne ne soit pénalisé de recevoir les services auxquels ils ont droit.

Dans ce cas, je crois que le terme le plus approprié serait impartialité, c'est à dire d'agir en justice, non favorisant le parti auquel j'adhère. Ce mot, il me semble qu'on ne l'utilise plus beaucoup à notre époque.
Pourtant, il est beaucoup plus adapté à ce qu'on attend réellement qu'une prétendue "neutralité".

Une personne impartiale l'est en raison de sa loyauté, de sa probité, de son honnêteté, non parce qu'elle sympathise ou non avec nous. Ce sont les vertus personnelles qui rendent une personne capable d'agir de façon impartiale.

La "neutralité" semble porter la prétention de l'objectivité, due (prétendument) à l'absence d'influences extérieures. Ce qui me conduit au second type d'utilisation : comme concept spéculatif.

C'est à ce point de vue que je considère ce concept le plus pervers.

A la lumière des connotations dont j'ai parlé plus haut, on mari le concept de "neutralité" à celui d'objectivité et on lui prête les vertus de l'impartialité, alors qu'en fait la véritable neutralité ne peut provenir que de l'ignorance ou de l'absence de jugement personnel.

En effet, si on me demande de prendre position dans le conflit opposant les papoux à poux et les papoux pas à poux, je pourrai dire que je suis neutre car je ne sais rien des ces deux tribus ni sur la nature de leur conflit.
Je n'ai pas d'idée ou d'opinion sur la question.

Est-ce que cela fait de moi une référence, une autorité en matière ? Est-ce que cela me rend d'avantage apte à juger de la situation, à être objectif ? Je crois que la réponse s'impose d'elle même.

Du moment où je prendrai connaissance en quelque manière de ce dont il s'agit, il est impossible que je ne me fasse pas une idée sur la question, mon intelligence commencera forcément à juger à partir des éléments en sa possession, et j'aurai nécessairement des sympathies/antipathies naturelles etc... Je ne serai pas neutre et si je voulais le prétendre, cela serait un mensonge.

Ainsi, la "neutralité", telle qu'elle nous est présentée si souvent à notre époque, est vraiment le contraire de ce qu'elle prétend être. Elle est un mirage, un leurre mensonger. Elle cherche à créer l'illusion de l'impartialité, elle prétend être la mesure de l'objectivité alors qu'elle sert d'achoppement à la recherche de la vérité.

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